La cohabitation entre panafricanisme et christianisme en débat au Togo
Le thème « panafricanisme et christianisme » était en débar samedi 13 avril à Lomé, alors que la relation entre les deux est toujours plus questionné, le premier prenant parfois la forme d’un rejet du second.
Peut-on être chrétien et panafricaniste ? Récurrente ces dernières années, la question était au cœur d’une conférence organisée samedi 13 avril à Lomé (Togo), pour commémorer le dixième anniversaire de décès de son premier archevêque togolais de Lomé, Mgr Robert Dosseh-Anyron (1925-2014). Et pour cause, a souligné le père Anselme Afoutou, directeur exécutif d’une fondation créée pour l’occasion au nom de l’archevêque, celui-ci était « un homme d’Eglise à qui la question du panafricanisme et du christianisme tenait à cœur ».
Les deux sont en effet en tension, a rappelé Simon Pierre Kouvon, philosophe et enseignant-chercheur à l’université de Lomé, car le « le panafricanisme a pour objet principal l’émancipation du continent africain du colonialisme, de l’idéologie impérialiste et du néocolonialisme ». Ce qui passe notamment par une « réhabilitation des religions et cultures africaines ». Et ce, au détriment des religions dites importées, notamment le christianisme et l’islam, qui seraient des « armes idéologiques » au service du colonialisme et du néocolonialisme.
Pour Simon Pierre Kouvon, il est donc nécessaire de reconnaître que le mouvement panafricaniste « revêt plusieurs visages ». Et dont certains ne sont pas incompatibles avec la foi chrétienne. « Si on s’en tient au panafricanisme comme mouvement de résistance contre l’injustice et l’aliénation culturelle issues de l’ordre colonial et néocolonial, un africain chrétien ou musulman peut légitimement être panafricaniste ».
Pour concilier les deux, le théologien et prêtre eudiste Edoh Bedjra a insisté sur la nécessité de considérer Jésus non seulement du point de vue religieux, mais aussi du point de vue historique. Car le « Jésus dans l’histoire » était selon lui un jeune attentif, compatissant à la souffrance de son peuple, soucieux de la chose publique et qui a courageusement affronté ceux qui étaient à la base de la souffrance de son peuple.
La dynamique de l’inculturation
À sa suite, a développé le prêtre eudiste, il est d’une « grande urgence pour l’Église d’Afrique de prendre au sérieux les critiques que le panafricanisme formule ». En effet, a argué Simon Pierre Kouvon, « le panafricanisme rejoint l’engagement chrétien pour un monde plus juste et libéré de toute domination ». Pour lui, il y a de même une « urgence pastorale de relancer la réflexion sur la dynamique de l’inculturation ».« Ce débat doit se dérouler dans le cadre de la raison et de la foi qui présuppose la parole libérée de toute idéologie figée », a-t-il préconisé.
Cette attitude est selon lui d’autant plus nécessaire que « sous le prétexte de lutter contre l’aliénation culturelle, beaucoup d’Africains prônent sans aucun discernement parfois le retour intégral aux traditions et valeurs africaines méprisées et niées d’après eux au nom des valeurs occidentales ». Un tel radicalisme « peut comporter des pièges et détourner du combat légitime pour l’émancipation du continent et la dignité des cultures africaines ».
Source : https://international.la-croix.com/